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Finesse du trait


Les bandes-dessinées traitent généralement le football avec les gros traits du livre de licence (comme avec Manchester United ou le PSG) ou de l’humour un peu lourd où les poncifs (l’argent, le dopage, la bêtise) font souvent figure de trait d’esprit. Heureusement qu’il existe de superbes exceptions, comme avec les deux tomes de Prolongations de Robin Walter (dont vous pouvez lire un long interview dans Décalages), le recueil Le Collectif (évoqué ici) ou encore avec les deux saisons de Football, football de Bouzard. Déjà résolument du côté de ces « exceptions », le livre de Matthieu Chiara, Hors-jeu, reste un véritable ovni littéraire. Son style varie entre la sobriété de son trait et de son dessin en noir et blanc et une narration très ambitieuse, focalisée tour à tour sur différents personnages (les sans-abris qui veulent voir un match à la télévision, l’enfant qui laisse, le temps d’une partie dans le jardin, divaguer son imagination, le joueur désabusé qui souhaite réaliser son rêve d’enfant et devenir anthropologue, les commentateurs, les supporteurs, un gardien particulièrement mauvais…), esquissant à chaque fois l’objet social complexe qu’est devenu le football. Le décalage proposé se mue alors en un cynisme d’une brillante maîtrise, toujours piquant mais jamais condescendant. Ce livre, par ailleurs parfaitement édité par L’Agrume (qui publie aussi l'excellente revue Citrus, avec un super numéro consacré au football), est un véritable condensé d’humour pince-sans-rire, mais aussi une représentation véritablement aboutie du football, en dehors, mais surtout sur le terrain. Quand on sait que Matthieu Chiara goûte et connaît peu l’univers du ballon rond (il s’en explique dans un entretien donné à France Culture), l’exercice est d’autant plus réussi !


Matthieu Chiara. Hors-jeu, Paris, L’Agrume, 2016

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