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Rencontre avec le journaliste Daniel Ortelli, spécialiste de la F1 et de "Lewis Hamilton

Plus jeune pilote à signer un contrat avec une écurie de F1, Lewis Hamilton a 13 ans lorsqu'il arrive chez McLaren, pris sous son aile par un certain Ron Dennis. A 23 ans, il est plus jeune champion du monde dès sa 2e saison, record aujourd’hui détenu par Sébastien Vettel. Depuis, il a remporté sept championnats du monde et 99 grands prix ! Rencontre avec le journaliste Daniel Ortelli, expert de La F1, auteur de la biographie "Lewis Hamilton : La route du champion" chez City éditions.



Comment vous est venu l’idée d’écrire ce livre ?

J'avais couvert la F1 pour l'Agence France Presse (AFP) de 2012 à 2016, en allant à une très grande quantité de courses, et Fred Veille, journaliste à RTL et directeur de collection chez City Editions, que j'avais souvent vu aux 24 Heures du Mans, m'a demandé en août si ça m'intéressait de faire une bio de Lewis. Je savais qu'il y en avait déjà plusieurs en anglais, mais un seul livre en français, écrit par l'excellent Lionel Froissart en 2007, et plus rien depuis. J'appréciais déjà beaucoup le personnage Hamilton, après l'avoir observé et écouté lors de nombreux rendez-vous avec la presse, pendant cinq saisons. J'ai accepté tout de suite et je me suis ensuite plongé dans tout ce qui avait été écrit sur lui, surtout en anglais, par des journalistes qui le connaissent très bien car la plupart le suivent depuis plus de dix ans.


Dans l’introduction, vous dites que la F1 est le sport le plus inégalitaire, car il nécessite des moyens financiers colossaux. Comment Lewis Hamilton, qui vient de la classe ouvrière, a-t-il fait pour y arriver ?

Il a été repéré très tôt par Ron Dennis, le patron de McLaren, qui a mis d'énormes moyens financiers, plusieurs millions de livres sterling étalés sur plusieurs années, sur le développement de sa carrière, entre l'âge de 13 ans, quand il n'était encore qu'un très jeune pilote de karting, et son arrivée en F1, à 22 ans, pour la saison 2007. Grâce à McLaren, il a toujours eu le meilleur matériel possible pour s'imposer dans les catégories inférieures (Formule Renault, F3, GP2), un peu comme Nico Rosberg dont la carrière était largement financée par son père Keke, champion du monde en 1982.


Il vient de battre les derniers records de Schumacher, pourtant, vous dites que le public le rapproche plus de Senna. Pourquoi ?

Parce qu'il a un côté très religieux, voire même mystique, et parce qu'il a une aura, un charisme, un côté humble et parfois mystérieux, décalé, que n'avait pas du tout Schumi, souvent critiqué à juste titre pour son arrogance quand il était au sommet. Et beaucoup plus cool à la fin de sa carrière, chez Mercedes, avant que Hamilton lui succède. Pour son style de pilotage aussi, sa capacité à aller chercher le dernier millième de seconde en donnant le maximum, et souvent en qualifications, ce qui était la spécialité de Senna, bien plus que de Schumacher.



C’est le seul pilote noir. On le compare souvent à Tiger Woods, en raison de leur performance dans un sport où il y a peu de diversité. A-t-il fait avancer les choses ?

Oui, certainement, car il communique beaucoup sur sa couleur de peau et car il est devenu une icône du sport mondial, au même titre qu'un basketteur de la NBA ou qu'un rappeur américain. Il est métis, car sa mère est anglaise et blanche, mais il adore les Etats-Unis et veut vraiment défendre la cause noire. Il a redoublé d'efforts dans ce domaine depuis la mort de George Floyd l'an dernier, qui a lancé le grand mouvement Black Lives Matter. Il avait déjà créé une Fondation Hamilton, pour favoriser l'éducation des jeunes Noirs, et il y a ajouté l'an dernier une Commission Hamilton qui vient d'enquêter pendant un an sur l'inégalité des chances pour accéder en F1, même en tant que mécanicien ou ingénieur. Elle vient de rendre son premier rapport, cette semaine, avec des recommandations précises pour l'avenir...


Il arrive en F1 en 2007 et dès sa première saison, il termine 2e à seulement un point de Kimi Räikkönen et entre en guerre avec son coéquipier, Fernando Alonso !

En fait, Alonso, alors double champion du monde en titre, n'a pas du tout compris pourquoi Ron Dennis ne le favorisait pas par rapport au débutant Hamilton, et il est parti au bout d'une saison seulement. En ne privilégiant pas l'un de ses deux pilotes, à aucun moment de la saison, Ron Dennis a perdu de justesse le titre mondial que Räikkönen a récupéré par miracle, alors que les deux pilotes McLaren avaient été très bons de bout en bout. Hamilton était très bien préparé cette année-là et a fait un début de saison incroyable pour un débutant en F1, puis il a conquis l'année suivante son premier titre mondial. Alonso n'a plus jamais été champion du monde depuis...


Il détient 35 records en F1, est-il le meilleur pilote de tous les temps ?

Il l'est sur le plan statistique, mais tous les experts expliquent qu'on ne peut pas comparer les époques, et je suis d'accord avec eux. Comme Schumi chez Ferrari, Hamilton a été dans la bonne équipe au bon moment, mais comme Schumi aussi chez Ferrari, il est arrivé chez Mercedes alors qu'elle n'était pas au sommet de la F1, loin de là. Il a construit ses succès, en étant bien entouré, en travaillant beaucoup, et il a su forcer le destin, en profitant des moments où il avait un peu plus de réussite que ses rivaux, comme quand Vettel a perdu le GP d'Allemagne en 2018, en partant à la faute tout seul dans sa Ferrari, et fait basculer la course au titre.


Cette saison, il semble moins dominateur, peut-il gagner un huitième titre ?

Il peut encore gagner le titre cette année, s'il fait un sans-faute et si Verstappen commet quelques erreurs, de pilotage ou dans la stratégie de son équipe. Mais il n'a pas la meilleure voiture du plateau, ni le meilleur moteur, et le développement des monoplaces 2021 est très limité, pour des raisons de plafond budgétaire. Surtout, il a face à lui une équipe Red Bull beaucoup plus forte grâce à l'arrivée de Sergio Pérez, le Mexicain qui est très utile et souvent bien placé, alors que Valtteri Bottas, qui risque de perdre sa place l'an prochain chez Mercedes, n'est plus l'équipier-modèle qu'il a été pendant plusieurs saisons, et moins capable qu'Hamilton de tirer le meilleur d'une monoplace moins efficace. Hamilton vient de resigner pour deux ans et compte beaucoup sur la nouvelle règlementation qui apparaîtra l'an prochain, il veut aussi continuer à communiquer autour de son sport et de la cause noire, car les deux ont une haute valeur symbolique. Il a une liberté totale chez Mercedes, il peut faire ce qu'il veut, et il est très bien payé. Donc comme il n'a que 36 ans, on peut être sûr qu'il saura rebondir l'an prochain, ou en 2023, même s'il est battu cette année. Et rafler une 8e couronne.



On vous conseille aussi les deux précédents livres de Daniel Ortelli :



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