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A la rencontre d'Aquacult, spécialiste de l'imaginaire de la piscine dans les arts et la culure

A Ecrire le sport, nous avons découvert Aquacult sur Twitter (@aquacult) pour ses bons conseils lecture quand il s’agissait de natation… Avec beaucoup de curiosité, nous avons tracé Aquacult sur le net et nous avons eu le plaisir de constater que, sous le même nom, étaient proposées une base de données richement documentée sur « la piscine en textes, en son, et en images » (https://aquacult.hypotheses.org/) ainsi qu’une chaine Youtube (https://www.youtube.com/channel/UCmNs3hUAdpb_pYmZyU44v-g) !!! Derrière ce pseudo, Anne-Sophie Gomez propose déjà 9 vidéos sur l’univers culturel des lieux de baignade avec des entrées variées : « Soyez synchro » retrace, en images, une histoire de la natation synchronisée, « Il était beau le maître nageur » revient sur les modalités de représentation de ce personnage incontournable des bords de bassin… Ces « Pooltubes » rafraichissants et bien construits nous en apprennent plus sur l’imaginaire des piscines.



Chère Aquacult, tu es démasquée ! Acceptes-tu de nous en dire plus sur celle qui se cache derrière le pseudo « Aquacult » ?


Oui, bien sûr ! Je suis enseignante et chercheuse à l’Université Clermont Auvergne. J’ai une formation de germaniste et j’enseigne donc les littératures de langue allemande à des étudiant.e.s qui se destinent principalement à travailler dans les domaines de la médiation et de la coopération culturelle, ou bien dans le milieu de l’édition. Mes recherches sur l’eau et les piscines ont toutefois débuté en dehors de mon activité universitaire officielle, pendant l’été 2017. J’ai donc cherché un pseudo qui met surtout en avant le contenu de ces recherches, au-delà de mon « étiquette » officielle de prof d’allemand, qui risquait de brouiller les pistes et de cloisonner mon message. Et comme ce sont surtout les œuvres et les artistes qui comptent à mes yeux, j’ai choisi de rester en retrait pour leur donner le maximum de visibilité.


Quel est ton parcours ? Qu’est-ce qui t’as amenée à t’intéresser spécifiquement à l’univers des piscines ?


Etant née et ayant grandi au bord de la mer, à Montpellier, j’ai eu la chance de pouvoir me baigner très souvent pendant toute mon enfance. Je suis ensuite partie pour étudier à Paris, puis à Vienne et à Arras pendant mon doctorat, avant d’obtenir un poste à Clermont-Ferrand en 2008. Quelques années après la naissance de mes enfants, le besoin de retrouver une activité sportive s’est fait sentir, et c’est tout naturellement vers la piscine que je me suis tournée. J’y ai trouvé un bien-être et un équilibre qui m’ont beaucoup épanouie. A force de fréquentation régulière, j’ai commencé à discuter avec des usagers et des maîtres-nageurs et j’ai pu constater que, hormis ceux qui avaient déjà une pratique artistique comme la photographie, ils ignoraient en grande partie le potentiel esthétique et créatif du lieu où ils passaient pourtant une bonne partie de leurs journées. J’ai donc eu envie de commencer à répertorier des œuvres pour les leur faire découvrir, car c’est précisément ce que j’aime dans mon métier, à la fois comme enseignante et comme chercheuse : collecter des productions artistiques, les faire circuler et les mettre en valeur. « Aquacult » est donc né en juillet 2017 comme un projet collaboratif, ce qu’il est d’ailleurs toujours. C’est certes moi qui gère la base de données pour des raisons techniques et pratiques, mais tout le monde est invité à me faire des suggestions et à m’indiquer des références que je ne connais pas. Les contributeurs sont systématiquement remerciés dans la rubrique « Crédits » du site.


Pourquoi as-tu choisi cet objet d’étude, la piscine ? En effet, tu ne recenses pas seulement les productions artistiques autour de la natation, mais bien plutôt de l’univers aquatique…


Pendant mes études, je me suis beaucoup intéressée aux paysages et aux lieux dans la littérature et l’art. Ma thèse de doctorat traitait des espaces clos dans la littérature autrichienne et suisse allemande contemporaine. La piscine permet, grâce à la délimitation de son bassin, de réfléchir à cette notion d’espace. Elle fonctionne aussi comme un microcosme qui cristallise beaucoup de tensions : familiales, culturelles, et même politiques ou religieuses, par exemple lorsque que l’apprentissage de la natation pour une femme est perçu comme une tentative d’émancipation menaçante. Je trouve ce lieu fascinant parce que les personnages des fictions que je recense dans ma base de données sont susceptibles d’y vivre des émotions très diverses : la peur, l’amour, la jalousie, la victoire, la défaite... La représentation de la performance sportive est donc certes un des enjeux de mes recherches, mais la piscine offre encore bien d’autres approches et se révèle largement plus complexe qu’un simple plan d’eau artificiel.


Quelle passerelle peux-tu faire entre les différentes formes artistiques que tu convoques (littérature, film, musique, peinture, sculpture) ? Selon toi, quel est l’intérêt de ce rapprochement ?


Merci beaucoup pour cette question, qui est vraiment centrale pour moi ! Il existe bien sûr déjà des travaux sur la piscine au cinéma, dans l’architecture ou la photographie notamment (des catalogues d’exposition, des publications universitaires et un numéro très réussi de « Blow Up » par Luc Lagier). Mais il n’existait pas à ma connaissance de recensement croisé des œuvres qui permette leur réception et leur analyse interdisciplinaire et décloisonnée. Or je cherche à mettre en évidence la richesse de l’imaginaire qui s’est développé autour de la piscine, au fil des époques et des disciplines artistiques. Je tiens d’ailleurs pour cette raison à ce que les œuvres recensées soient éclectiques (de la littérature à des sketches humoristiques, en passant par la sculpture, le théâtre et la chanson). On associe généralement une dimension visuelle à la piscine (la couleur bleue, les reflets, les tableaux de David Hockney), mais il est intéressant de constater que pour certains artistes (Serge Gainsbourg, Benjamin Moussay, mais aussi de très nombreux cinéastes) elle évoque plutôt des sons.


Tu proposes plusieurs vidéos sur ta chaine youtube : à qui destines-tu ce type de production ?


Le prolongement vidéo de mes recherches a débuté il y a quelques mois, en février 2019. L’idée était de rendre le fruit de mes recherches accessible à un public plus vaste, dans le sillage des chaînes de vulgarisation qui ont fleuri ces dernières années. J’ai ainsi cherché à créer, sur des thématiques précises, une succession de petits « musées virtuels » où les œuvres sont toujours présentées avec leurs références afin que les personnes curieuses ou intéressées puissent les retrouver facilement et les regarder dans leur intégralité lorsqu’il s’agit de court-métrages visibles gratuitement en ligne. Les « Pooltubes » classiques durent entre 5 et 20 minutes et sont commentés en voix off. Depuis peu, une version « express » a fait son apparition : il s’agit de montages thématiques d’extraits de films ou de vidéos musicales, parfois de quelques secondes seulement. Il s’agit d’une déclinaison récréative du projet, sous forme d’intermèdes, à consommer dans les transports ou pendant les temps de pause.


Tu as également mis au point une base de données, facile d’accès et très intuitive. Comment l’enrichis-tu ?


Je procède à une veille documentaire régulière, ce qui signifie que je guette les nouvelles parutions éditoriales et les sorties cinématographiques afin de les inclure dans la base de données sous formes de fiches (« notices ») descriptives. A cela s’ajoute bien sûr mon expérience de lectrice ou de spectatrice : je consacre ainsi des notices à des œuvres moins récentes qui m’ont marquée ou que je découvre dans des bibliothèques, musées, expositions au gré de mes recherches et de mes voyages. En étant basée à Clermont-Ferrand j’ai par ailleurs la chance de pouvoir profiter du très riche fonds d’archives de courts-métrages proposé par le centre de documentation de La Jetée, en lien avec le Festival annuel. C’est ce qui explique que ma base de données recense beaucoup de films courts (films d’animation, documentaires, films expérimentaux…) : à ce jour, on en trouve environ 140 sur le site, dont beaucoup ˗ surtout les films récents et au format numérique bien sûr ˗ sont visibles gratuitement en ligne et consultables directement depuis la base de données. Les notices ne sont pas, pour l’instant, analytiques, cela viendra peut-être dans un deuxième temps, mais elles permettent à des personnes intéressées d’obtenir des informations fiables sur des œuvres et la plupart du temps elles contiennent des liens qui permettent d’aller plus loin. La vérification et la mise à jour éventuelle de ces liens constitue d’ailleurs un enjeu important pour l’actualité et la pérennité du site. J’y veille donc aussi régulièrement que possible. Cela m’a permis de me former progressivement aux « humanités numériques » (digital humanities), ce qui est désormais incontournable dans le monde de la recherche en sciences humaines et sociales.


Envisages-tu de faire des connexions entre tes objets de recherches universitaires et cette passion pour les objets culturels inspirés des piscines ?


Certaines passerelles ont d’ores et déjà commencé à se dessiner, moins autour de la piscine pour l’instant que sur le thème de l’eau, ce qui est déjà très satisfaisant pour moi. En effet, je participerai en octobre à Vichy à un colloque sur le thermalisme en Europe. Je suis également en train de coordonner un dossier thématique sur le thème de la baignade pour la revue en ligne de mon centre de recherches.


(c) MokA Photographies.


Quels sont plus largement tes projets ?


Je souhaite continuer à enrichir régulièrement ma base de données dans l’espoir qu’elle puisse être utile, à la fois à des chercheurs, bibliothécaires, documentalistes, artistes et bien sûr à tous les curieux. A terme, j’aimerais pouvoir proposer les menus et les notices dans différentes langues (allemand, anglais, espagnol) afin d’atteindre un public plus international, mais cela a bien sûr un coût et demande du temps. D’où l’intérêt d’accroître déjà ma visibilité dans le milieu francophone afin d’obtenir par la suite quelques subventions qui me permettront de préserver mon indépendance scientifique.

Je compte aussi bien entendu poursuivre la production de mes « Pooltubes » (les idées et les sujets ne manquent pas, il faut juste trouver le temps nécessaire aux recherches et au montage). Là aussi, s’ils gagnent en diffusion et en audience, cela me permettra d’améliorer certains aspects techniques grâce à du matériel de meilleure qualité par exemple. J’aimerais bien aussi, si cela est possible, contribuer à l’organisation d’une exposition thématique, dont le lieu reste encore à définir.

D’autre part, je reste présente sur Twitter, où j’ai peu à peu rencontré une communauté très sympathique et active autour de la piscine, de l’eau, de l’art et du sport, ce qui nous permet de faire connaître et de promouvoir les activités des uns et des autres.

Pour résumer, le projet « Aquacult » et ses différentes facettes est très stimulant car il me donne l’opportunité d’être la médiatrice de certaines œuvres auprès de publics variés et aussi d’être en contact direct et régulier avec des artistes qui, pour leur immense majorité, ont la gentillesse de m’accorder avec enthousiasme le droit de montrer gracieusement une partie de leur travail. J’ai ainsi fait la connaissance de Karim Adjali, maître-nageur et photographe parisien, moitié du duo MokA, qu’il forme avec le graphiste Olivier Maitre (http://www.moka-photographies.com). J’ai également sympathisé avec la dessinatrice canadienne Zviane, qui a réalisé dans sa revue auto-éditée une liste des piscines de Montréal en papier découpé. Ces échanges électroniques, qui débouchent parfois sur des rencontres dans la vraie vie, permettent d’ancrer humainement mon projet et de réaffirmer haut et fort le rôle fédérateur de la culture.


(c) MokA Photographies.

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