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Entretien croisé entre les Cahiers du foot et Supersub

Pouvez-vous vous présenter ?

Maxime Renaudet : Je suis journaliste. J’ai commencé en 2012 comme pigiste en parallèle de ma licence de lettres à Caen. Après un an à Birmingham, j’ai fait mon master recherche à Lille, ce qui m’a permis de travailler deux années de suite sur l’écriture du sport. D’abord avec un mémoire sur la consécration du sportif dans L’Equipe puis un second sur les chroniques du Tour de France d’Antoine Blondin. Entre temps j’ai contribué à la naissance de Supersub, créé par Robin Six et Vincent Bertault. On n’a pas de fonctions véritablement définies au sein de Supersub. Tout le monde participe à la vie du collectif et écrit dans la revue.

Gilles Juan : Mon parcours professionnel n'a rien à voir avec le football ou le journalisme. J'ai commencé par enseigner la philosophie de l'art et la sémiologie dans des écoles de design graphique et numérique, puis je me suis progressivement orienté vers l'ingénierie pédagogique. Dans mon temps libre, j'écris, notamment sur le football. J'ai commencé sur un blog, les Cahiers l'ont repéré, j'ai alors rédigé mes premiers papiers pour le site fin 2012, et je me suis impliqué chaque fois que j'ai trouvé du temps, y compris pour les projets "parallèles", comme la co-rédaction de Comment regarder un match de foot ?, édité par Solar. Le projet de la revue me convient tout particulièrement, pour la forme (c'est le genre d'objet que j'ai envie de faire !) comme pour le contenu (périodicité qui laisse du temps, volonté de parler de l'époque plutôt que de l'actualité que je ne peux pas toujours bien suivre...). Je fais partie du comité éditorial autour de Jérôme Latta, rédacteur en chef. On prend les décisions tous ensemble, et on se répartit les tâches pour le contenu à produire nous-mêmes, ou à commander...


Gilles Juan (© Antoine Zéo) Maxime Renaudet (à droite)

Pouvez-vous nous raconter la création de vos revues ?

Maxime Renaudet : Comme je le disais, Supersub a été créé par Robin et Vincent, deux fanas de foot qui se sont rencontrés à Sciences Po Lille en 2010-2011. Ça faisait un petit bout de temps qu’ils songeaient à créer un magazine de foot alternatif. Je les ai rejoints dans l’aventure fin 2016, au moment où on a déposé les statuts de l’association. On voulait créer ce collectif pour éditer une revue papier mais aussi et surtout pour organiser des événements qui mettent en avant notre conception du sport et du football. On a d’abord sorti un numéro pilote sur la crise du Calcio, numéro totalement auto-produit qui a rencontré un certain succès auprès de ceux qui suivent le football italien, mais pas uniquement. Après une campagne d’abonnements réussie avant l’été 2018, on a lancé le numéro 1 “Science Football Fiction” en octobre dernier. Sur ce numéro on voulait vraiment coller encore plus à la dénomination de revue, c’est-à-dire en invitant plusieurs plumes : Alain Damasio, Bernard Chambaz, John King, Raphaël Verchère ou Pierre Rondeau.

Gilles Juan : On avait envie de faire un "bel objet imprimé", qui n'était pas une revue au départ, mais plutôt un livre. L'idée de la revue est venue progressivement, quand on a vu qu'on était quelques-uns à avoir un peu de temps, et qu'il y avait un créneau : contrairement aux autres grands pays de football, pas vraiment de revue spécialisée foot dans les librairies françaises. L'équipe aimant le foot, mais aussi le papier, le design graphique, l'édition, l'illustration, la photographie... et les librairies, on a construit notre projet progressivement et librement, en arrêtant progressivement quelques décisions. Quand ça a été prêt, on a organisé la campagne de crouwdfunding, et c'était parti.

Quel est l’axe éditorial ? Que défendez-vous ?

Maxime Renaudet : L’idée de Supersub, c’est de pouvoir élargir les enjeux contemporains du football donc principalement des enjeux sociétaux, ce qui est assez peu présent dans le traitement médiatique du football finalement. Dans chaque numéro, on essaye de traiter un thème sous différents paradigmes : économique, sociologique, politique mais aussi parfois sportif, évidemment. En publiant seulement deux numéros par un, on peut se permettre d’écrire des articles longs et fouillés. Dans le numéro 2, on a aussi voulu proposer un papier humeur et des écrits de fiction comme l’extrait du dernier roman de John King ou une création inédite d’Alain Damasio. Pour nous, le foot est un prétexte pour parler de société et c’est pas dans l’actualité chaude qu’on a trouvé une manière de l’exprimer.

Gilles Juan : Comme dit ci-dessus, dépasser les questions brûlantes de l'actualité pour parler de l'époque dans laquelle le football se développe. Bénéficier du recul de la périodicité pour décliner le ton, les formats et les combats des Cahiers (politiques notamment) aux enjeux de "l'ère du temps". Et il y a un aspect qu'on a souhaité rendre plus visible : on a voulu une revue prioritairement amoureuse du foot, moins immédiatement "critique". C'est une revue faite par des gens qui aiment le phénomène culturel "football", et qui ont le sentiment des pans entiers sont délaissés, des questions n'ont pas le temps d'être traitées. Par exemple, l'actualité fait que tout le monde se prononce sur l'arbitrage vidéo, mais qui prend le temps de se demander, et d'interviewer des arbitres dans ce sens, pourquoi des gens choisissent de faire ce métier là, où il ne sont pas la personne la plus appréciée de l'arène "terrain de football" ? on voulait se demander ce genre de choses. Enfin, on avait envie de proposer la plus grande diversité possible de contenus, de solliciter des personnalités très diversifiées : tous les formats journalistiques habituels bien sûr, de la brève au feuilleton décliné sur trois numéros, en passant par le reportage, l'entretien, etc., mais aussi des choses plus rares pour parler de football, comme la BD, l'illustration, le roman-photo, la data visualisation, la littérature...


Maxime, peut-on placer Supersub dans la grande tradition du fanzine ?

Maxime Renaudet : Oui tout à fait. Je pense qu’on se situe un peu à la frontière entre la revue universitaire et le fanzine qui est vraiment beaucoup plus démocratisé en Angleterre ou en Allemagne. Supersub est un fanzine dans la mesure où on a rapidement décidé que cette revue serait illustrée, d’autant plus que le format A5 est bien souvent celui des fanzines. On a également décidé de mettre en place un système d’abonnement qui inclue deux pochettes graphiques surprises contenant des créations originales faites par nos différents illustrateurs. Récemment on a reçu le n°0 du fanzine Teheness, édité par les supporters sochaliens qu’on avait contactés suite à la BD dystopique que j’ai faite avec Robin sur Sochaux. Dedans il y a un super dossier d’introduction sur le fanzine, ses origines, son concepts, ses évolutions et la place qu’il joue dans la culture foot et celle des tribunes. Ils replacent le fanzine foot au centre d’une culture populaire et artistique qui existe finalement assez peu en France. Quand on parle de football tout du moins. Alors qu’en Angleterre, tous les clubs du pays (professionnels ou non) ont leur fanzine indé développé par des fans et pour des fans.


Gilles, considérez-vous Les cahiers du foot comme un magazine ou un mook ?

Gilles Juan : Le mot "revue" nous convient très bien, c'est-à-dire, s'il faut choisir, plutôt un mook qu'un magazine. Il y a toutefois une chose du "magazine" que l'on souhaitait garder : la diversité des formats, et notamment la multiplication des formats courts et ludiques. Reste que sans publicité, avec un nombre de pages relativement grand (172), un papier plus épais, non glacé, des illustrations et des partis pris graphiques assez marqués, on s'éloigne autant que possible d'une impression "mag" que l'on trouverait en kiosque. On voulait un objet complètement pour les librairies.

Maxime, que pensez-vous des Cahiers du foot ?

Maxime Renaudet : Je suis évidemment un lecteur assez assidu des Cahiers, mais sans doute depuis moins longtemps que Robin et Vincent qui avaient écrit un papier pour eux il y a quelques années. C’est vraiment bien qu’ils aient redonné vie à leur formule papier. Beaucoup de personnes l’attendaient et, dans un paysage footballistique actuel où SoFoot règne en roi, leur retour était important. Depuis les débuts de Supersub, on a toujours pris les Cahiers du foot comme exemple. C’est pour ça qu’on s’est entretenu avec Christophe Kuchly pour le numéro 0 avant de l’inviter à notre première conférence en 2018. On partage la même vision du football qu’eux et nos démarches respectives découlent aussi, je crois, d’une certaine frustration commune vis à vis du traitement médiatique français à l’égard du football.


Gilles, que pensez-vous de Supersub ?

Gilles Juan : Du bien ! Le contenu est très qualitatif (notamment quand on apprécie les formats longs), par ailleurs les thèmes sont ceux auxquels je suis très sensible (je pense notamment au supporters) donc je suis évidemment convaincu. Et je ne peux qu'être séduit par les partis pris illustratifs et les pistes graphiques très dessinées. Ces dernières me plaisent d'ailleurs tellement que j'ai pu être frustré qu'il n'y en ait pas davantage... Je me suis d'ailleurs demandé s'il ne fallait pas abandonner certains codes plus classique du design (je pense aux cadres pour les chapôs), pour aller vers plus d'interventions dessinées encore... Des titres manuscrits...

Pouvez-vous nous donner quelques idées de votre prochain numéro ?

Maxime Renaudet : Notre numéro 2 portera sur le football amateur en France, l’objectif initial étant d’en dresser un panorama exhaustif en partant à la rencontre des acteurs de ce football à la marge.On parle uniquement du football amateur quand un petit club va loin en Coupe de France ou lors d’un reportage dans le club formateur d’une star. Mais on ne parle jamais du football amateur pour ce qu’il est réellement : des clubs qui disparaissent faute de moyens, des clubs qui sont les derniers vecteurs de sociabilité de certaines zones géographiques délaissées. On ne parle pas non plus des bénévoles, des gosses, des filles, des vétérans et de tout ce petit monde qui s’active en coulisse pour créer du lien social. Enfin, on parle assez peu du fossé énorme que le foot pro a creusé entre lui et le foot amateur, de la non-redistribution des biens que le premier génère parfois sur le dos du second, des subventions publiques qui sont de plus en plus faibles. Ce numéro contiendra toujours des articles de fond, des créations inédites et davantage de reportages et d’illustrations. L’objectif est vraiment de sillonner la France pour dessiner la carte du football amateur pour en proposer un éclairage économique, social, politique et humain. C’est ça les véritables enjeux contemporains de ce sport.

Gilles Juan : Ce sera pour le mois de juin, mais le contenu est encore secret. On retrouvera un grand dossier sur un thème central, illustré par quelqu'un de nouveau, et tous les formats récurrents (un portfolio pour ouvrir, la fin du feuilleton à Bondy pour conclure, les BD de Bastien Vivès, les pages magazines, un document historique...) mais le numéro 2 venant de sortir, on ne parle encore que du celui-ci, et nous taisons sur le prochain...


Les cahiers du foot et Supersub sont plus que des magazines. Vous organisez des soirées, des animations, vous êtes actifs sur les réseaux sociaux, sur des blogs. Pouvez-vous nous parler de ses projets connexes ?

Maxime Renaudet : Ouais, comme je le disais précédemment, c’est un des pans qu’on a souhaités développer dès le lancement. On a participé à un salon du livre de sport en Bourgogne, on a organisé plusieurs soirées à Lille et Paris, une conférence à l’ESJ Lille et une à Cergy, une projection à Lille en partenariat avec La Lucarne et plus récemment une exposition en collaboration avec le collectif 75070. C’est à la fois un moyen de défendre et de faire vivre chacun de nos numéros tout en proposant une réflexion sur le football à travers un autre format que l’écrit. Espérons qu’on aura un jour l’occasion d’organiser quelque chose avec les Cahiers du Foot.

Gilles Juan : Les Cahiers du foot ne sont pas d'abord une revue, celle-ci n'existant que depuis un an. Le site a fêté ses 20 ans l'an dernier, a été un magazine papier vendu en kiosque de 2003 à 2009... Il est très actif sur les réseaux sociaux, notamment sur Twitter. Les autres projets connexes sont des publications ponctuelles. Ces dernières années, il a surtout été question de livres sur les questions tactiques (Comment regarder un match de foot ? ou Les Entraîneurs révolutionnaires) sous l'impulsion des dé-managers. Les Cahiers du foot accompagnent aussi de nombreux sites et projets. Concernant les soirées et événements: on n'en fait pas assez... Enfin, on fait des soirées, mais il y a des progrès à faire pour aller à la rencontre des lecteurs, notamment loin de Paris... Mais comme nous avons tous un autre boulot à côté, ce n'est pas toujours facile ! On interagit beaucoup sur les réseaux sociaux, cela dit....


Plus d'info sur Supersub : https://supersub-larevue.fr/

Plus d'info sur les Cahiers du foot : http://www.cahiersdufootball.net/


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