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Entretien avec Thierry Falise et Léa Hybre, auteurs de la BD « La mule et le sanglier ».

Souvenez-vous. Le 23 juin 2018, alors que le Coupe du monde en Russie bat son plein, la Thaïlande connait un terrible événement. Le 23 juin 2018, douze enfants âgés de 11 à 16 ans et leur coach de 25 ans, membres de l'équipe de football des Sangliers, une formation provinciale du nord de la Thaïlande, disparaissent dans la grotte de Tham Luang, une des plus grandes et mystérieuses du pays. Une opération de sauvetage sans précédent impliquant 10.000 volontaires venus de Thaïlande et du monde entier, est lancée. Elle durera 18 jours. Rencontre avec Thierry Falise et Léa Hybre, auteurs de la BD « La mule et le sanglier » qui retrace cet épisode.

Pouvez-vous vous présenter ?


Thierry Falise : je suis photo-journaliste et auteur de livres indépendant. Je vis à Bangkok (Thaïlande) depuis 1991.


Léa Hybre : Je suis illustratrice, j’ai grandi et j’habite à Paris. Je suis sortie d’une école d’art il y a 3 ans où j’ai étudié l’illustration, le graphisme et la direction artistique de manière plus générale. J’ai toujours été fascinée par les romans d’aventures pleins de rebondissements et de frissons ! Plus jeune je lisais beaucoup Tintin, j’étais captivée par tout ce qu’il leur arrivait avec Milou et le capitaine Haddock ! Mais aussi les films avec Belmondo, ou encore les récits d’aventure de Joseph Kessel ... J’en raffole toujours !

Comment est née le projet de « La mule et le sanglier » ?

Thierry Falise : Lors d'une discussion avec l'éditeur Florent Massot (avec qui j'ai déjà publié deux ouvrages), quelques semaines après la fin de l'histoire de la grotte (le dernier footballeur a été extrait le 10 juillet 2018, après 18 jours de captivité), nous nous sommes dit qu'il y avait matière à un livre-document qui raconterait cette exceptionnelle histoire non seulement sous l'angle de l'opération technique sans précédent (l'exploit sportif des plongeurs souterrains) mais aussi en la replaçant dans son contexte culturel, social et spirituel. Je me suis donc lancé dans une recherche approfondie et je suis retourné sur place dans la région de la grotte (que je connais bien pour y avoir fait de nombreux reportages notamment sur le trafic de drogue) pour mener une enquête auprès de Thaïs qui avaient participé à l'opération. J'ai ensuite écrit le livre "Pris au piège" qui a été publié en octobre 2018. En parallèle, et sur base du texte de ce livre, l'éditeur a mandaté Léa pour esquisser les premières bases d'une BD qui serait davantage destinée à un public jeune.


Léa Hybre : Je confirme ! Quelques semaines après la sortie des enfants de la grotte, Florent notre éditeur m’a contacté pour me proposer d’illustrer un projet de bande dessinée sur cette histoire incroyable. Thierry écrivait déjà son livre « Pris au piège » et il s’agissait de travailler à partir de son roman pour en faire un bd plus jeunesse.

Le sport avait-il une importance dans votre choix ou est-ce seulement l’accident de la grotte ?


Thierry Falise : Le sport n'était pas l'argument principal mais bien un élément important du décor.


Léa Hybre : Je pense que l’ensemble de cet événement était important, le sport bien sûr mais aussi l’accident tout comme l’histoire de cette région dans le triangle d’or, le contexte politique avec la junte militaire, la solidarité entre étrangers, le rapport avec les esprits et les différentes croyances. Le fait que ça n’était pas seulement un groupe d’enfants mais une équipe de football qui se soit retrouvée bloquée si longtemps dans le noir sans savoir si on allait les retrouver était très important à mon avis.

L’esprit d’entraide, de solidarité et d’équipe tout ça comptaient beaucoup pour le projet.

Et puis il y a aussi la plongée-spéléo, les plongeurs étrangers démontrent que c’est une discipline très particulière et qui demande beaucoup de précautions, de sang-froid, et d’agilité.

Malgré la situation critique, l’humour est très présent notamment par l’intermédiaire des enfants. Est-ce de votre fait ou avez-vous eu des informations sur l’état d’esprit des enfants ?


Thierry Falise : Les dialogues des enfants ont été reconstitués sur base de leurs propos et de mes longues années d'expérience de la Thaïlande et en particulier de la région (l'extrême nord) où l'histoire s'est déroulée. Même s'il était (et est toujours...) quasi impossible de les rencontrer individuellement, les enfants et leur coach se sont exprimés à plusieurs reprises lors de rencontres avec la presse (où les questions étaient soumises auparavant et devaient passer le filtre de psychologues et de l'armée au pouvoir). J'ai donc pu je crois assez fidèlement reconstituer en particulier les neuf jours que les 13 Sangliers ont passés dans l'isolement total.


Léa Hybre : Comme le raconte Thierry, il a été au plus près des enfants pour comprendre leur attitude et pouvoir raconter cette histoire de manière la plus exacte possible. On a souligné ce côté «drôle» dans la bande dessinée pour montrer que ces enfants ont réussi à garder le moral malgré la situation qui elle n’était pas drôle du tout ! Et je tenais à garder ce ton un peu comique ou plus léger de temps en temps pour casser le côté «grave» de l’histoire. Pour avoir toutes sortes d’émotions durant la lecture.


En plus de l’humour, le plus marquant dans cette histoire, c’est la solidarité et la méditation.

Thierry Falise : La solidarité et la méditation ont joué un rôle fondamental. Il faut rendre hommage au rôle primordial qu'a joué le jeune coach (25 ans) dans ce sens. C'est lui qui grâce à une sagesse et une expérience acquises au cours de la dizaine d'années passées comme novice et puis moine bouddhiste a réussi à faire en sorte que les 12 jeunes footballeurs ne sombrent pas dans le désespoir et la panique. Ils ont confirmé que la pratique d'une forme simple de méditation, une technique connue "culturellement" par 12 des 13 Sangliers qui sont bouddhistes (le 13e est chrétien), les avait aidés à évacuer certaines de leur angoisse et à économiser une précieuse énergie.


Léa Hybre : Comme le raconte Thierry, il a été au plus près des enfants pour comprendre leur attitude et pouvoir raconter cette histoire de manière la plus exacte possible. On a souligné ce côté «drôle» dans la bande dessinée pour montrer que ces enfants ont réussi à garder le moral malgré la situation qui elle n’était pas drôle du tout ! Et je tenais à garder ce ton un peu comique ou plus léger de temps en temps pour casser le côté «grave» de l’histoire. Pour avoir toutes sortes d’émotions durant la lecture.

Les enfants sont footballeurs. Est-ce un élément important de leur survie ?

Thierry Falise : Au-delà du football en lui-même, c'est davantage l'appartenance à une équipe, à un groupe homogène et soudé dont les membres se connaissent bien, la pratique partagée d'une discipline sportive qui ont joué un rôle dans leur épreuve. Ils ont expliqué par exemple que lorsque l'un d'eux sombrait dans la déprime, les autres se portaient aussitôt à son secours. Il ne faut pas oublier non plus qu'il s'agit d'enfants et d'adolescents de la campagne (et des collines pour plusieurs d'entre eux) rompus à la vie "à la dure" et la pratique d'activités dans la nature, des petits paysans habitués aux longues balades en vélo sur les pentes des montagnes environnantes.


Léa Hybre : Oui c’est complètement fou, cette solidarité et qu’ils aient réussi à prendre sur eux en pratiquant la méditation. Le coach qui a seulement 25 ans arrive à apprendre à son équipe une forme de méditation au fond d’une grotte, dans le noir, sans avoir à manger ni à boire et sans savoir comment ils vont s’en sortir. Cette solidarité entre eux m’a beaucoup touché.

Le football les a aidé pour se serrer les coudes, le fait de former une équipe, que chacun ait sa place au sein du groupe, qu’ils se soutiennent les uns et les autres !

Léa, quelles ont été vos influences et vos choix concernant les illustrations ?

Léa Hybre : Mes influences viennent principalement de la ligne claire, du dessin d’Hergé. Mais aussi un peu de Sylvain et Sylvette (créé par Maurice Cuvillier), ou même un peu de Bernadette Després l’illustratrice de Tom-Tom et Nana. Mais je m’inspire aussi beaucoup de l’univers graphique japonais, que ça soit des estampes de Kuniyoshi ou des mangas de Naoko Takeuchi et de Jiro Taniguchi. J’aime les couleurs franches, pepsies, et les pastels plus douces. Je n’ai pas une influence particulière pour les couleurs, je m’inspire de beaucoup beaucoup de choses différentes en passant par la peinture de Gauguin, par les illustrations de Blexbolex ou par le graphisme kawaii japonais ...! Pour moi la grotte devait avoir une couleur un peu mystérieuse et magique, impossible de la faire grise ou marron ! J’ai beaucoup aimé travailler sur ce projet de bande dessinée et j’espère que d’autres suivront très bientôt !


Thierry Falise et Léa Hybre. La mule et le sanglier. Massot, 2019.

Site internet de Thierry Falise : www.thierryfalise.com

Site internet de Léa Hybre : leahybre.tumblr.com

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